jeudi 5 janvier 2012

Roumanie : le combat des propriétaires spoliés








Nick Eftemie se bat depuis quinze ans pour récupérer une propriété de famille nationalisée par le pouvoir communiste en 1952. Comme des dizaines de milliers de Roumains.

Bucarest.De notre correspondanteDe son immeuble, Nick Eftemie ne possède, pour le moment, qu'une photo. Depuis près de quinze ans, il mène un combat judiciaire au long cours pour récupérer ce bâtiment, construit à Bucarest par le grand-père de sa femme et nationalisé par le pouvoir communiste en 1952. « Les appartements ont été occupés, ma femme et sa mère ont été expulsées », raconte cet homme d'affaires à la cinquantaine chic.
En 1989, l'effondrement du régime de Ceausescu n'est pas synonyme de retour à la maison pour les centaines de milliers de propriétaires expropriés. Pire, en 1995, la loi 112 va permettre aux locataires occupant les lieux de racheter ces logements à des prix dérisoires. « Cinq appartements sur les neuf ont été vendus, pour des sommes allant de 160 à 850 €, explique Nick Eftemie. Cette loi a permis à d'anciens communistes haut placés de faire de très bonnes affaires. »


 
Depuis, Nick enchaîne les procès pour essayer de faire annuler ces contrats de vente et récupérer les quatre appartements restants, toujours propriété de la mairie de Bucarest. « En 2007, après d'interminables démarches, une partie de l'immeuble m'a été restituée par la mairie. J'ai cru que le calvaire était fini. » Il se trompait. « Depuis trois ans, je n'ai toujours pas pu y entrer, les occupants m'en interdisent l'accès... », soupire-t-il.
« Cacophonie judiciaire »
Comme Nick, des dizaines de milliers de Roumains luttent pour récupérer leurs biens. « Le problème est d'autant plus complexe que les lois successives, plutôt favorables aux nouveaux propriétaires, peuvent être interprétées aussi bien en faveur d'un camp que d'un autre, explique Dan Nastase, avocat spécialiste de la question. Il en résulte une véritable cacophonie judiciaire. »
Ces dernières années, les plaignants ont espéré une solution de la Cour européenne des droits de l'homme, où ils ont déposé des recours par milliers et systématiquement obtenu gain de cause contre l'État roumain. Mais ce dernier n'a pas, pour autant, harmonisé sa législation incohérente.
Lassée, la CEDH a sommé la Roumanie, en octobre, de résoudre ce problème dans un délai de dix-huit mois. Six mois plus tard, le ministère de la Justice se contente de déclarer qu'il planche sur la question. « Encore une fois, l'État va prendre des demi-mesures », avance Dan Nastase. En attendant, Nick Eftemie continue ses pérégrinations dans les tribunaux. Au mieux, il peut espérer récupérer une partie de ce qui lui appartient d'ici à 2015.


Marion GUYONVARCH'.
Ouest-France, publié le 13 mai 2011

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