jeudi 5 janvier 2012

Un caillou hongrois dans la chaussure roumaine


Le Pays sicule, où vit la minorité hongroise de Roumanie
, vient d'ouvrir une représentation à Bruxelles. Les autorités de Bucarest craignent un scénario à la kosovare.



Bucarest.De notre correspondante

À Miercurea Ciuc, un jo napot (bonjour, en hongrois) accueille le visiteur. Ici, au coeur du Pays sicule, à cheval sur trois départements du Nord de la Roumanie 85 % des habitants sont d'origine magyare et défendent farouchement leur identité. « Nous en sommes fiers ! Nous essayons de la préserver au maximum, à travers la langue, la culture, les traditions, sans que cela pose de problèmes avec nos voisins roumains, explique Szabo Kazmer, 35 ans, président d'une association. Nous ne faisons que perpétuer l'histoire, nos ancêtres vivaient déjà ici il y a 1 000 ans. »

Depuis le rattachement de la Transylvanie à la Roumanie en 1920, les Roumains d'origine hongroise (7 % de la population) vivent séparés de leur mère patrie. Discriminés pendant la période communiste, ils défendent fermement leurs droits depuis 1990. Quitte, parfois, à se heurter à Bucarest, où l'on redoute le modèle du Kosovo. Car certains Sicules ne cachent pas leurs rêves d'autonomie.

Promouvoir une région à part entière

Début juin, l'ouverture d'une représentation du Pays sicule à Bruxelles, inaugurée par Lazlo Tokes, le prêtre de Timisoara devenu euro-député, pour « promouvoir la région et attirer les fonds européens », avait déjà ravivé les tensions. Récemment, le projet de réorganisation administrative de la Roumanie, qui prévoit d'englober le Pays sicule dans une grande région, a attisé la colère des Hongrois.

« C'est inadmissible », tonne Izsak Balazs, le président du Conseil national sicule (CNS), qui prône l'autonomie de la région et a symboliquement doté la région d'une assemblée, d'un drapeau et d'un hymne en 2009. « Cela revient à noyer la minorité hongroise et à lui ôter tout pouvoir de décision. Nous voulons au contraire devenir une région à part entière, dotée de pouvoirs pour mener une politique de développement cohérente, sur le modèle des régions décentralisées, comme la Catalogne. On ne veut pas créer un État dans l'État ! »

L'UDMR, le parti hongrois modéré, membre de la coalition au pouvoir, refuse lui aussi cette nouvelle carte de la Roumanie et s'oppose à ses alliés du gouvernement. « Nous allons bloquer cette initiative », a affirmé Kelemen Hunor, son leader. Le CNS a lui déjà lancé un appel à la désobéissance civile. Loin des discours politisés, Szabo refuse aussi de voir le Pays sicule absorbé : « Ça me dérangerait de vivre dans une région où mes traditions ne sont plus la norme. »

Marion GUYONVARCH'.

Ouest-France, publié le 8 juillet 2011

1 commentaire:

  1. On aurait pu penser que le projet européen éteindrait les velléités autonomistes et les nationalismes de tout poil. Apparemment, nous en sommes encore loin...

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